Le rossignol
Un prince chinois entendit un jour un rossignol chanter. Il en fut si émerveillé qu’il en ordonna la capture. Il l’installa ensuite dans une cage spacieuse en or, dépêcha un cuisinier pour lui servir les mets les plus exquis et des valets pour veiller sur son confort.
Cependant, quelque précaution qu’il prît, le rossignol ne chanta plus, dépérit et finit par mourir en moins d’une semaine.
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Cette histoire illustre un thème classique, presque banal. D’une certaine façon, elle ressemble à la poule aux œufs d’or de La Fontaine, que vous connaissez sans doute : le propriétaire d’une poule qui pondait des œufs en or en voulut plus, ouvrit le ventre de la poule, n’y trouva rien et perdit en conséquence le bénéfice qu’il en tirait auparavant. Un thème banal, donc, si banal que nous imaginons sans doute que nous ne nous laisserions pas prendre à pareil excès de contrôle sur le monde. Je crois cependant que c’est ce que nous faisons en permanence. La peur, l’angoisse, en particulier, nous commandent avec insistance de saisir le monde pour parer aux menaces que nous croyons y déceler. Saisir le monde, c’est-à-dire le contrôler, l’attacher, le mettre en cage pour parer à ses mouvements inopportuns. Je trouve si frappant le contraste entre l’évidence de cette histoire et la réalité de nos comportements que je songe à en tirer une loi : plus c’est évident qu’il ne faut pas faire quelque chose, plus nous le faisons !
Jodorowsky, A. (2007). La sagesse des contes. Paris: Albin Michel.
Magnifique
Merci
Commentaire fort pertinent de Laurent Quivogne, comme chaque fois , et qui illustre fort bien un aphorisme d’Etienne Klein : “Il se trouve que les mesures que nous prenons pour nous prémunir de l’anxiété sont hélas très différentes de celles que nous devrions prendre pour nous prémunir du risque.”
Étienne Klein… Physique quantique…
Mesure… Qui perturbe l’objet observé…
Ton commentaire m’a emmené pendant un instant très loin du sujet ! 🙂 Merci