Kou, kou, kou, kou !

par Laurent Quivogne | Soyez sages... ou pas

Voilà qu’il me vient à nouveau l’envie de faire une place au poète perse Omar Khayyâm avec deux de ses quatrains.

Oublie le jour qui s’est enfui de ton existence. Oublie-le
Oublie demain qui va venir. Pas encore né. Oublie-le
Sur ce qui est et qui n’est plus, il est vain que tu réfléchisses
Ne jette pas ta vie au vent, vis l’instant heureux. Oublie-le.

Ce Château, qui par sa splendeur rivalisait avec les cieux
Ce château, dont les souverains se succédaient nimbés de gloire
Nous avons vu sur ses créneaux la tourterelle se poser
et, sur leurs ruines, elle criait : « Kou, kou, kou, kou ! »

***

Peut-être parce qu’il y a derrière ces vers des choses si graves, j’hésite à faire un commentaire qui pourrait me paraître superflu, évident, trivial. Nous nous disons tout cela constamment avec peut-être un peu moins de poésie. Le mystère est cependant que nous continuons à agir comme si nous n’en savions rien.
Un mot peut-être sur le cri de la tourterelle. Une note, dans la belle édition de Seghers dont je dispose, dit qu’il y a là un jeu de mots : Kou est l’abréviation de koudja qui signifie : « Où est-il ? » L’oiseau interrogerait ainsi l’absence des grands rois qui ont habité le château et de leurs richesses. Où serai-je, moi-même, dans cinquante ou cent ans ? Et où suis-je aujourd’hui ?

Khayyâm, O. (1982). Les quatrains Rubâ’iyât. Paris: Seghers.