Qu'est-ce que Dieu vient faire là-dedans ?

par Laurent Quivogne | Soyez sages... ou pas

Deux rabbins débattent jusqu’à fort tard, dans la soirée, de l’existence de Dieu. Ils en viennent à conclure finalement que Dieu n’existe pas, puis ils vont se coucher. Au matin, l’un d’eux trouve l’autre dans le jardin en train de faire ses prières :
« Que fais-tu ? lui demande-t-il.
— Tu le vois bien, je fais mes prières du matin.
— Mais ne sommes-nous pas arrivés à la conclusion que Dieu n’existe pas ? Pourquoi alors faire des prières ?
— Qu’est-ce que Dieu vient faire là-dedans ? répond l’autre simplement.

***

Prenons les choses par un bout inattendu de la lorgnette, du moins l’espéré-je. Un ouvrage récent vise à prouver, par la science, l’existence de Dieu : Dieu, la science, les preuves. Sans avoir lu le livre, il me vient deux objections. Une première objection, issue des travaux de Karl Popper, philosophe des sciences, qui énonce qu’une proposition scientifique, au contraire d’une proposition métaphysique, est quelque chose qu’on peut tenter de réfuter par l’expérience. Je peux, par exemple, tenter de réfuter la gravité, en lâchant dans le vide des objets. Or, soyons concis, il n’est pas possible de concevoir aucune expérience pour montrer que Dieu n’existe pas.
La seconde objection, d’une nature différente, est que, si l’on parvenait à démontrer l’existence ou, pareillement, l’inexistence de Dieu, alors la foi n’existerait plus. Dans le second cas, parce qu’elle n’aurait plus d’objet et, dans le premier, parce qu’il n’y a de foi que face au doute. Ceci même si les platistes semblent nous montrer qu’une foi est possible face aux évidences.
Ce qui fait la foi, c’est l’absence de Dieu. Ce que semble d’ailleurs dire ce pieu rabbin qui fait ses prières dans le jardin.

Carrière, J.-C. (2008). Le cercle des menteurs 2. Paris: Plon.

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