La banane salée
C’est une histoire paraît-il racontée en Iran où l’on en tire une métaphore qui s’appliquerait à l’existence du mal sur la terre. Un client rentre dans un restaurant et demande une banane. On la lui apporte. Puis il demande du sel, qu’on lui apporte également. Il sale copieusement la banane, après quoi il la jette.
« Pourquoi avez-vous jeté la banane, demande le serveur ?
— Parce que j’ai horreur des bananes salées !
***
Je crois que j’aime cette histoire — et ce genre d’histoire — parce qu’elle me fait rire. Et elle me fait rire sans doute parce que je ne la comprends pas vraiment ni ne saisis cette fameuse métaphore sur l’existence du mal. Quand je regarde cela de près, je vois que je fais un raisonnement — s’il se prépare un plat, c’est qu’il veut le manger — et ce raisonnement est pris en défaut. Peut-être qu’il aime simplement cuisiner. C’est finalement assez banal : ce n’est pas parce que je prends ma voiture ou mon vélo que je veux aller quelque part, mais simplement pour me promener. Et, quand on tire sur les fils, on peut aller encore plus loin : ce n’est pas parce que je pose une question à un vendeur que je veux acheter ; ce n’est pas parce que j’adresse la parole à quelqu’un que je veux passer ma vie avec ; ce n’est pas parce qu’une femme s’habille en jupe courte que c’est un appel au viol. Mais la tentation de trouver une causalité est plus forte que moi. Autant en rire !
Carrière, J.-C. (2008). Le cercle des menteurs 2. Paris: Plon.
Moi j’aime bien les fruits salés comme les melons car le sel est un formidable exhausteur de goûts, il amplifie les saveurs du fruit et nous permet de pleinement l’apprécier. Il faudrait que j’essaye avec une banane bien mûre…
J’aurai aimé à sa place aller au bout de sa démarche et goûter la banane, laisser le mystère opérer par cette nouvelle expérience…
Avec plaisir, je prends le temps de réfléchir et répondre ce vendredi après-midi, calme et ensoleillé. Ma lecture est différente. Le comportement du client me semble mesquin, sans noblesse, dépourvu de considération. Je vois une subtile illustration du mal, car cette toute petite action permet de mettre la lumière sur la petitesse, l’inutilité du mal. Il permet donc de créer la discussion autour de l’inutilité du mal. Pour qui, pour quoi cet acte, pour qui, pour quoi le mal ? Puis… ajoutons maintenant du contexte. Si le client est Charles Chaplin, ça devient drôle en effet. Mais je crois qu’il s’en serait servi pour mettre en avant l’absurdité du mal. J’adore le théâtre de l’absurde, il me fait beaucoup rire … je vous laisse ainsi 🙂