La banane salée

par Laurent Quivogne | Soyez sages... ou pas

C’est une histoire paraît-il racontée en Iran où l’on en tire une métaphore qui s’appliquerait à l’existence du mal sur la terre. Un client rentre dans un restaurant et demande une banane. On la lui apporte. Puis il demande du sel, qu’on lui apporte également. Il sale copieusement la banane, après quoi il la jette.

« Pourquoi avez-vous jeté la banane, demande le serveur ?
— Parce que j’ai horreur des bananes salées !

***

Je crois que j’aime cette histoire — et ce genre d’histoire — parce qu’elle me fait rire. Et elle me fait rire sans doute parce que je ne la comprends pas vraiment ni ne saisis cette fameuse métaphore sur l’existence du mal. Quand je regarde cela de près, je vois que je fais un raisonnement — s’il se prépare un plat, c’est qu’il veut le manger — et ce raisonnement est pris en défaut. Peut-être qu’il aime simplement cuisiner. C’est finalement assez banal : ce n’est pas parce que je prends ma voiture ou mon vélo que je veux aller quelque part, mais simplement pour me promener. Et, quand on tire sur les fils, on peut aller encore plus loin : ce n’est pas parce que je pose une question à un vendeur que je veux acheter ; ce n’est pas parce que j’adresse la parole à quelqu’un que je veux passer ma vie avec ; ce n’est pas parce qu’une femme s’habille en jupe courte que c’est un appel au viol. Mais la tentation de trouver une causalité est plus forte que moi. Autant en rire !

Carrière, J.-C. (2008). Le cercle des menteurs 2. Paris: Plon.