Depuis Galilée, depuis Guillaume d’Occam, la foi et la raison s’opposent dans un combat de tous les contraires. A la foi, l’ardente piété; à la raison, le froid calcul. A la foi les cieux; à la raison, les pieds sur terre. A la foi, le regard sur les lointains et l’infini; à la raison, les yeux sur le détail et l’analyse des choses finies. A chacune, son “parti”, ses spécialistes et ses hérauts: la religion pour l’une, la science pour l’autre et, de plus en plus, des territoires: Dieu est chassé de ce qui fut jadis l’occident chrétien. A la foi, le sud; à la raison, le nord.

Mais d’abord: quelle est la cause du conflit et quels en sont les enjeux? Quel est ce territoire que foi et raison se disputent? On répondra, dans leurs vocabulaires respectifs, l’élévation spirituelle de l’homme ou le progrès de l’humanité; foi et raison sont comme deux écoles, deux méthodes, deux chemins dans la quête de civilisation. On peut tout aussi bien dire, plutôt que d’attiser le feu guerrier, qu’elles ont le même but, la même fin, la même soif de compréhension du monde.

Elles ont sans doute la même fin mais non leurs zélateurs ou plutôt ceux qui, en en revêtant les habits, servent d’autres causes moins universelles. La folie du monde habite l’un et l’autre camp. De là les citadelles construites pour cette guerre des passions humaines. Des citadelles bardées de remparts, voulues inexpugnables, à l’abri desquelles le peuple peut se protéger et qui n’ont pas de fenêtres. Des citadelles qui sont la marche arrêtée de la civilisation. Foi et raison sont recherche, donc mouvement; les citadelles figent ce mouvement; ces citadelles, puisqu’il faut enfin les appeler par leur nom, sont les dogmes de la foi et de la raison. Evacuons la question: la foi n’est pas le dogmatisme (voire le fanatisme) religieux; la raison n’est pas science inhumaine.

La foi: un regard sur l’avenir du monde, au delà de tous les obstacles visibles, au delà de la mort; les yeux levés vers les étoiles pour y chercher un point où s’ancrer et, de là, nous élever et élever le monde. Dieu est le nom le plus souvent donné à ce point; plus grande l’ambition, plus grand le dieu (ou la représentation que nous en avons). La foi sans doute a fait se dresser l’homme debout comme tiré par un treuil céleste qu’il a placé lui-même dans les nuées…

La raison: la marche patiente et attentive du montagnard sur les chemins escarpés; un pas après l’autre vers le sommet avec une lente régularité qui fait bientôt avaler tous les obstacles. La mise en mouvement de l’esprit et le dépassement de soi, contre la pente naturelle. La raison sans doute a fait marcher l’homme.

A la foi, la destination, à la raison, le chemin et s’il faut à invoquer l’une et l’autre: la raison avec à nouveau le second principe (voir ce billet), disons que la froide raison et la foi ardente sont les sources de chaleur du moteur de l’humanité; rêvons d’une entente apaisée entre les deux piliers de l’humanité…