L'art de l'épée
« Je veux devenir un maître dans l’art de l’épée, combien de temps me faut-il ?
— Dix ans.
— Mais c’est trop long !
— Vingt ans.
— Ah non, c’est beaucoup trop de temps !
— Trente ans. »
***
« Combien de temps pensez-vous qu’il nous faut ? », me demandent souvent les personnes qui commencent un travail. Au-delà du fait que je n’en sais rien, ce début d’impatience est déjà la manifestation de la résistance au changement, tout bénéfique soit-il. Plus il y a de résistance, plus il faudra du temps. Non que la question ne soit légitime, je l’ai posée moi-même en mon temps. Je l’entends comme une manifestation de désarroi face à une situation douloureuse et qui n’en finit pas. Mais c’est aussi vrai pour les choses positives que nous voulons accomplir. J’ai toujours eu un doute sur l’idée qu’il faut avoir l’œil fixé sur l’objectif. Si je ne pense qu’à ma possible réussite, je ne suis plus à mon affaire.
Jodorowsky, A. (1997). Le doigt et la lune : Histoires zen. Paris: Albin Michel.
