Le retour au pays

par Laurent Quivogne | Soyez sages... ou pas

Salvatore a quitté sa petite ville à vingt ans pour aller faire carrière. Quarante ans plus tard, il décide d’y revenir pour passer sa retraite. Il se demande s’il reconnaîtra ses anciennes connaissances, dont il n’a pas eu de nouvelles pendant tout ce temps. À peine descendu du train, que sur le quai, il reconnaît en la personne d’un petit homme courbé et ridé, son camarade d’école Giovanni. Il s’approche, tout ému, et lui dit :

« Tu vois, Giovanni, c’est moi !
— Ah Salvadore, qu’est-ce que tu fais là, tu t’en vas ? »

***

« Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage […] et puis a retrouvé […] le pays des vertes années », dit la chanson. Certains m’ont dit pourtant leur déception de ce retour au pays après des voyages, avec l’étrange sentiment que rien n’a changé. Voyager, c’est aussi espérer voir le monde différemment. Se changer pour changer le monde. L’immobilité du lieu d’où l’on est parti peut ainsi avoir quelque chose de désespérant. De même, lorsque je rentrais de vacances, j’étais frappé de ce sentiment d’avoir l’impression de n’être pas parti, au moment de rentrer dans le cadre strict du cercle familial. C’est peut-être tout simplement que le voyage permet de rendre visible l’envie de voyage qui l’a provoqué.

Eco, Umberto. (2000). Voyager avec un saumon. Paris: Le Livre de poche.