Écrire n’est pas seulement un moyen de produire ; produire un livre, produire un compte-rendu ; produire pour l’intime, produire pour le plus grand nombre. Car si l’écriture est reconnue comme moyen de communication à tous les niveaux de notre société et sous une multitudes de modalités allant de la poésie au texto, en passant par le roman ou la note de service, elle reste pour nombre d’entre nous une aventure inquiétante ; quelque chose à quoi nous n’osons guère nous frotter, comme une grande dame qui nous intimiderait, par sa distinction et ses lettres de noblesse, une grande dame auprès de laquelle nous craignons peut-être de paraître vulgaires, que ce soit dans la forme avec ses manières compliquées et ses règles alambiquées, que ce soit dans le fond, comme si un censeur, sourcils froncés et doigt levé (ainsi que je me figure volontiers l’instituteur d’autrefois), était prêt à nous sermonner sur la qualité de notre « rédaction ».

Je fais la conjecture qu’il y a derrière ses craintes de la pudeur et une envie de se protéger ; un besoin de confort également parce qu’écrire, c’est difficile, écrire, c’est éprouvant. Michel Houellebecq le dit à sa façon : « Les gens ne comprennent pas à quel point c’est éprouvant d’écrire. Si les écrivains boivent, ce n’est pas pour trouver l’inspiration ou je ne sais quoi, c’est comme les terrassiers pour oublier la journée de travail. Pour que ça s’arrête de travailler. »

Difficile donc, comme de creuser la terre, mais c’est aussi un processus à l’œuvre en nous, qui creuse les profondeurs. Écrire n’est ainsi pas seulement un moyen de production, mais aussi un moyen d’exploration.

Bien entendu, en premier lieu mais pas seulement, un moyen d’exploration de l’imaginaire ; les écrivains le savent bien qui racontent comment leurs propres personnages peuvent parfois les étonner eux-mêmes, voire les emmener dans des histoires qu’ils n’avaient pas imaginées. Mais c’est aussi vrai dans tous les domaines et, en particulier, dans le monde professionnel. Écrire peut nous permettre d’explorer nos envies et nos motivations personnelles, mais aussi la stratégie de l’entreprise, de nouvelles pistes d’innovation. Tout simplement parce que l’acte d’écrire nous implique plus profondément que le fait de réfléchir consciemment : notre être ne se résume pas à cette petite partie de notre cerveau logée sur le devant du crâne, tout comme un attelage des temps jadis ne se résumait pas au cocher juché à l’avant du fiacre.

Après quoi, si vous vous mettez à votre table de travail, enthousiasmé par cette mienne proposition, devant une page blanche, vous risquez fort la déconvenue. Ce serait un peu comme vouloir faire de l’exercice en piscine sans apprendre à nager. Il y faut de la méthode et parfois des maîtres d’apprentissage.  Ce qu’offrent les ateliers d’écriture, qui fleurissent un peu partout, aussi bien sur le plan professionnel que sur le plan personnel.

Nous nous sommes essayés à l’atelier d’écriture au CJD (1), lors des rencontres du réseau de mars 2014, à l’initiative du Lab – le groupe de réflexion du CJD – en faisant plancher 150 dirigeants sur une fiction professionnelle : « Nous sommes en 2014, vous vous levez pour aller au travail ».

Ce fut bien entendu trop court – l’exercice a duré en tout une heure et demie – pour obtenir plus que des pistes ; les participants ont surtout goûté plus qu’ils n’ont pu savourer, et le plaisir de l’exercice, et la joie du résultat. Mais j’ai été personnellement très sensible à l’attention qu’ils ont tous porté à l’exercice, à leur concentration et à leur intérêt, comme si, par leur engagement, tous ces dirigeants confirmaient les intuitions énoncées plus haut, que l’écriture est une réelle voie pour progresser personnellement et dans ses pratiques professionnelles.

La description du dispositif ainsi que les contributions que les participants ont bien voulu mettre à notre disposition sont disponibles dans un site créé par le Lab autour de son travail de l’année : https://kaocjd.wordpress.com/les-rencontres-du-reseau/

Article paru sur le site jeune-dirigeant.fr

(1) Centre des Jeunes Dirigeants – www.cjd.net