On peut parler pour ne rien dire ou s’écouter parler; on peut parler de façon assassine – y compris envers soi! – ou simplement de façon toxique. Ce qui a justifié le proverbe: le silence est d’or. Pourtant la parole est au coeur de tout accompagnement, quel qu’il soit, même s’il laisse la part belle à d’autres formes d’expression telles que corporelles, artistiques, émotionnelles… La parole entre en jeu à un moment ou à un autre.

La parole, véhicule de la plainte, la main de l’âme

Comme nous l’avons évoqué la semaine dernière, dans l’article sur la plainte, ce qui vient en premier, c’est la plainte. L’expression de la douleur qui a décidé la personne, qu’elle soit un dirigeant en quête d’un nouveau cap, un manager en quête de sens, un particulier perdu dans sa vie, à s’offrir un accompagnement du type coaching. Qui dit plainte, dit une parole pour l’exprimer au sens premier de “faire sortir”, comme on exprime le jus d’un fruit. Et dans toute parole, il y a l’air et il y a la chanson; en tant que professionnel, je prête attention aussi bien à l’un qu’à l’autre. Comment la personne se plaint m’en dit parfois plus sur la situation que l’objet de la plainte. M’en dit plus à moi ou en dit plus à elle quand je lui fais part de mes observations et ressentis. Ce n’est pas tant ce que j’entends qui importe que ce que la personne, grâce à mon retour, s’entend dire ou réalise qu’elle dit.

Déjà se dessine le style de la personne et, dans ce style, les zones aveugles. Pour user d’une métaphore, disons qu’une personne qui marche la tête baissée aura du mal à voir les étoiles dans le ciel. Ainsi de nous: il y a là où nous tournons notre regard et, plus que notre regard, notre attention et les instruments de nos perceptions, et il y a là où nous ne regardons jamais. C’est-à-dire là où se trouve potentiellement nos gisements de progrès et d’or pur.

La parole est un média

La parole n’est pas le seul média, mais elle un média riche et pratique et, qui plus est, l’un des plus maîtrisés dans notre civilisation. Nous nous exprimons aussi avec notre corps, nos émotions, toutes choses qu’on regroupe sous le terme “communication non verbale”.

Les formations à la communication font toujours état de l’importance de la communication non verbale par rapport à ce qu’on dit. C’est en fait redonner à la parole sa part relative et mettre en évidence combien nous mettons tout ce qui n’est pas verbal dans le même sac. Cela parle de notre façon de vivre et de communiquer où la parole est la partie, sinon la plus importante, du moins la plus maîtrisée et sophistiquée (qu’il suffise de penser à l’imparfait du subjonctif et à la concordance des temps!).

Ainsi ce temps de la plainte, que nous évoquions ci-dessus, et que nous ne devons pas voir comme une pure jérémiade mais comme l’élan qui amène un être humain à s’adresser à un autre parce qu’il a une douleur qu’il ne sait supporter seul – ou qu’il juge plus opportun de ne pas supporter seul. Cette plainte, ce sont des mots mais aussi une attitude et peut-être une émotion. Par exemple, des épaules voutées, une mine renfrognée et des larmes qui coulent ou sont retenues; ou bien, tout au contraire, une voix un peu trop forte et une forme d’exaltation. Tout est possible, l’éventail est immense. Bref, l’air et la chanson, la musique et les paroles.

La parole court le long du fil de la relation

Ce que me dit l’autre et même comment il me le dit pourrait bien n’avoir que fort peu d’importance, si je ne l’entends pas. Tous les zélateurs du contenu – et je l’ai été en tant qu’ingénieur –, ceux qui pensent que le fond prime sur la forme, ceux qui trouvent futile tout ce qui n’est pas utile, ont tendance à négliger ce qui sous-tend la parole, le lien le long duquel elle court, comme le signal électrique de l’Internet ou du téléphone court le long de câbles et de fibres. Ce lien, c’est la relation. Elle n’a pas nécessairement à être bonne ou quoi que ce soit, elle a à exister. Si un homme entre à l’instant dans la pièce où j’écris et qu’il commence à me parler de choses techniques – qui potentiellement m’intéressent mais qui ne sont pas dans mes préoccupations immédiates – alors il y a de fortes chances que je ne l’écoute pas du tout.

En ce sens, faute d’une relation établie, toute parole est vaine et le silence est préférable. Car alors le silence crée le vide dans lequel nous pouvons, l’un et l’autre aller à notre rencontre. La parole utile a donc un préalable. Faute de quoi elle devient bavardage ou simplement bruit. Quelque chose qui remplit l’espace sonore mais n’atteint pas son but, qui rend un son creux. Cette parole vide, avec les mots pourtant qu’une parole pleine, crée de l’ennui, de l’agacement, de l’indifférence. Tout est préférable à ça, y compris la colère et le conflit; manière de dire que le lien qui nous unit n’est pas que d’harmonie mais aussi de dysharmonie ou de désaccord. Pour aller aux extrêmes, le lien peut être d’amour ou de haine qui ne sont pas si loin l’un de l’autre.

Construire une parole utile

C’est pourquoi mon métier est d’abord de construire une parole utile avec ceux que j’accompagne; du contenu – malgré tout – plus que des banalités, mais surtout une relation solide et durable, quelle qu’en soit la couleur. Et ce qui est vrai de mon métier l’est de presque tous les métiers. Un commercial ne vendra rien à un client qui ne l’écoute pas; un professeur n’enseignera rien à un élève qui a les oreilles closes; même un plombier passera pour un escroc auprès d’une victime d’un dégât des eaux, s’il n’y a pas ce minimum de relation qui doit unir deux personnes qui se rencontrent avant qu’aucune d’elle n’ouvre la bouche.

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