Un article [1] rapportait une polémique, aux États-Unis, sur la correction d’un devoir de mathématiques. L’énoncé était : « utilisez la stratégie de l’addition répétée pour résoudre 5 x 3 »

L’élève a répondu : 5 x 3 = 5 + 5 + 5, soit 15

Faux, a répondu le correcteur : 5 x 3 = 3 + 3 + 3 + 3 + 3.

L’article se fait l’écho de la justification – 5 grappes de 3 bananes ne sont pas la même chose que 3 grappes de 5 bananes même si le total est le même ; c’est égal mais non équivalent – mais ce n’est pas sur ces finesses pédagogiques que je voudrais m’attarder ici [2].

Cette correction, telle que celles que j’ai pu vivre quand j’ai voulu aider mes enfants dans leurs devoirs à la maison, leur faisant avoir des notes moins bonnes que d’habitude, est due à un énoncé caché. Il y a une contrainte dans la façon de répondre à l’exercice qui n’est pas dite dans l’énoncé, à savoir que le multiplicateur (ce qui multiplie) est le premier facteur du produit et que le multiplicande (ce qui est multiplié) est le second. Choix me semble-t-il arbitraire.

Mon espérance est que les dirigeants ne managent pas leurs équipes de cette façon, ce qui risquerait à mon avis de les démotiver. Daniel Pink, dans son ouvrage La vérité sur ce qui nous motive, paru en 2011, postule que les trois piliers de la motivation sont :

  • L’autonomie : ai-je de la marge de manœuvre dans la réalisation de mes objectifs ?
  • La maîtrise : est-ce que j’ai tous les savoirs et savoir-faire pour réaliser ce qu’on attend de moi ?
  • La finalité : est-ce que ce que je fais a un sens ?

Autonomie : manifestement, le correcteur du devoir attend de l’élève, non pas qu’il réponde à la question et donne une question juste mais qu’il le fasse d’une certaine manière. Il n’a pas seulement des exigences sur le quoi, mais aussi sur le comment. Remplir les contraintes annoncées – avec une addition répétée – ne suffit même pas. Je ne suis pas autonome.

Maîtrise : je peux imaginer que le cours explicitait la règle que l’élève n’a pas respectée ici. Toutefois, la correction est lapidaire : « faux : -1 point ». Elle ne dit pas ce qui est juste, en particulier le résultat, 15, qui est celui attendu. Non seulement je n’ai pas la maîtrise mais je n’ai pas non plus le chemin pour y parvenir.

Finalité : Quel sens cela a-t-il de me faire répondre une addition de 3 plutôt qu’une addition de 5 ? Quelle est l’intention du professeur ? En quoi est-ce que ça va me faire progresser en mathématique ? Pas de finalité non plus.

Au final, je ne sais pas du tout si le correcteur a, d’un point de vue pédagogique, raison ou non d’insister sur ce point précis ; je suis à peu près certain qu’il n’œuvre pas à motiver l’élève et que, si nous étions en France, je pourrais retrouver ce dernier dans les associations de soutien scolaire, souvent un peu apathique, avec un air de : « ça sert à rien, de toute façon », sur les lèvres.

Et j’espère que les dirigeants ne sanctionnent pas de cette façon.

 

[1] https://www.slate.fr/story/109227/pourquoi-5×3
[2] Allez, tout de même : ma conviction est qu’enseigner les mathématiques en s’appuyant sur le réel est une ânerie. On ne fait pas de la gymnastique de cette façon. On fait de la gymnastique, point. Ensuite, on constate que ça améliore le quotidien. De même pour les mathématiques qui développent l’abstraction. Enseigner l’abstraction en s’appuyant sur du concret est une injonction paradoxale.

Article publié sur dirigeant.fr, sous le titre: La vérité sur ce qui nous motive.