Étranger et ennemi
Je suis en conflit avec tout étranger. Parce qu'il est autre que moi, alors il a des besoins autres que les miens et dès lors que nous nous rencontrons, ses besoins et les miens peuvent se heurter les uns aux autres et nécessiter des ajustements. C'est-à-dire un conflit (du moins au sens où je l'entends) Mais il peut me répugner d'avoir à faire ces efforts. Une solution facile est de reléguer l'étranger hors de mes frontières. Il ne s'agit pas de fustiger le président d'un grand pays qui construit des murs, des dirigeants politiques qui prônent le rejet de l'étranger, sans voir en nous, d'abord, comment nous cédons aussi à la tentation de l'effort d'ajustement. Toute cessation de contact est comme ériger un mur. Et tout mur se construit sur la qualification d'autrui: voleur, profiteur, mais aussi asocial, pervers narcissique, psychopathe. Désigner l'ennemi pour parer l'angoisse d'envahissement, voilà la fondation de toute muraille.
Au contraire, et parce que nous avons su auparavant nous trouver des points communs, il peut y avoir de l'émerveillement à voir la différence chez l'autre. Ainsi ce participant de culture chinoise à l'un de mes stages sur le conflit qui me dit, dans un récit, avoir "vexé" son père. Sans que rien, ni dans le récit, ni dans les paroles ou les actes rapportés du père ne viennent pour moi et d'autres participants non chinois l'attester. Parce que je le crois, parce qu'il se sait entendu par le groupe, alors sa différence est l'occasion de construire un pont entre nous. Pont qui n'aurais jamais pu être érigé si nous avions été, les uns et les autres, totalement semblables.