Le plombier

par Laurent Quivogne | Soyez sages... ou pas

Un avocat d’affaires, assez important et sans doute assez content de lui-même, fait intervenir un plombier pour régler un problème chez lui. L’artisan vient, fait son travail et présente sa note :
« Quoi ? lui dit l’avocat, deux cents euros ! Mais, moi-même, en tant qu’avocat d’affaires, je ne facture pas aussi cher pour si peu de temps !
— Oui, lui répond le plombier, moi aussi, quand j’étais avocat, je ne facturais pas aussi cher. »

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Le drôle, dans cette histoire, vient de la valse des étiquettes. D’ailleurs, Anthony de Mello utilise cette histoire dans son livre Quand la conscience s’éveille précisément pour nous inviter à ne pas nous identifier aux étiquettes qu’on nous colle ou que nous nous collons nous-mêmes. Ce n’est pas seulement le fait des métiers différents, c’est aussi que, peut-être, certains d’entre nous ont en tête qu’un avocat ne se reconvertit pas en plombier. Comment pourrait-il sacrifier toutes ces années d’étude, toute cette expérience, tout le soin à se bâtir une carrière, une réputation, une clientèle pour aller couper et souder des tuyaux ? C’est notre comparateur interne qui se met en marche, celui qui nous fait dire qu’on a fait mieux ou moins bien que telle ou telle autre personne. Mais, au bout du compte, qu’est-ce qui aura fait la différence entre la vie d’un plombier et celle d’un avocat d’affaires ? Qu’est-ce qui aura fait la différence entre votre propre vie et la vie de ceux que vous auriez aimé être ? Il me semble, à moi, que rien de ce qui est véritablement important n’est dans le domaine du visible, n’est donc dans le domaine du comparable.

de Mello, A. (2002). Quand la conscience s’éveille. Paris: Albin Michel.