Aller à l'école

par Laurent Quivogne | Soyez sages... ou pas

« C’est l’heure d’aller à l’école, Jacques, lève-toi !
— Non, papa, je ne veux pas aller à l’école !
— Tu dois y aller, Jacques , c’est obligatoire !
— Non !
— Donne-moi au moins trois raisons pour lesquelles tu ne le veux pas, répond le père.
— Je suis bien dans mon lit, je n’aime pas l’école et les élèves m’importunent, réplique le fils.
— Eh bien ! rétorque le père, je vais te donner trois raisons pour lesquelles tu dois y aller : un, c’est ton devoir ; deux, tu as quarante-cinq ans ; et, trois, c’est toi le maître d’école ! »

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Anthony de Mello utilise cette histoire dans son livre sur l’éveil, Quand la conscience s’éveille, pour illustrer le fait que, selon lui, nous ne voulons pas nous réveiller, nous préférons notre confort, nous préférons, tels des enfants, rester dans notre chambre avec nos jouets plutôt que d’affronter le monde. J’aime bien le fait, dans cette histoire, d’avoir été piégé avec l’intervention du père, que Jacques appelle « papa », et d’avoir cru qu’il s’agissait d’un enfant. Ça me rappelle une autre histoire, soi-disant véridique, où l’on demandait à une institutrice si ce n’était pas une bonne idée de faire toutes les heures d’école, disons vingt-quatre heures, d’un seul coup, ce qui libérerait les enfants six jours sur sept. « Oh non, aurait-elle répondu, ils ne le supporteraient pas ! » Comme si, ajoutait malicieusement le narrateur, elle-même l’aurait supporté. Où l’on voit que, dans les métiers d’accompagnement, le professionnel disparaît : ni lui ni nous ne pensons à lui, comme si la personne s’effaçait derrière la fonction. C’est cela aussi que dit de Mello dans son livre : pour bien accompagner, il faut penser à soi ; il faut s’écouter ; il faut écouter l’autre, bien entendu, mais il faut aussi s’écouter soi — faute de quoi, on ne peut pas entendre véritablement ce que l’autre nous raconte.

de Mello, A. (2002). Quand la conscience s’éveille. Paris: Albin Michel.