Deux moines bouddhistes circulent le long d’une rivière. Une femme soudain les aborde : « Je dois traverser, dit-elle, pour aller soigner mon père malade. Pouvez-vous m’aider, car je ne sais pas nager ? »
Le plus âgé des deux moines opine, prend la femme sur son dos et l’aide à traverser, puis les deux hommes continuent leur route. Plusieurs heures passent et le plus jeune dit soudain à son aîné :
« Tu es bien d’accord que nous avons fait profession d’observer la règle de notre ordre ?
— Oui, répond l’autre.
— Dans cette règle, il est dit que nous ne devons pas avoir de contact avec une femme ?
— Oui, acquiesce à nouveau l’ancien.
— Mais, alors, comment as-tu pu accepter de porter cette femme tout à l’heure ?
— Je l’ai portée quelques minutes pour l’aider à traverser la rivière, c’est vrai. Mais c’était il y a plusieurs heures. Et toi, tu la portes encore ! »

***

Cette histoire m’inspire aujourd’hui — demain, ce sera autre chose ! — une réflexion autour de la règle. Que vaut la règle ? Faut-il toujours la suivre ? Est-ce que la règle est mauvaise si une occasion se présente où il est manifeste qu’il ne faut pas la suivre ? Au fond, la règle est toujours un raccourci de la pensée. Comme un comportement qu’on aurait décidé « d’automatiser ». Mais, à l’instar de toute chose en ce monde, toute règle est imparfaite. Est-ce à dire cependant que les règles ne nous obligent nullement, que nous pouvons à tout moment les transgresser, au nom d’un intérêt supérieur ? Vastes questions !
J’aime à penser qu’il en est de toute règle comme des théories scientifiques. Elles sont les lentes concrétions de processus de pensée, de réflexion, d’expérience. De même que les règles, toute théorie scientifique peut être dépassée ou réfutée. Mais pas n’importe comment ! Ce que, manifestement, les conspirationnistes n’ont pas compris en n’ayant pas, avec leurs théories de remplacement, les mêmes exigences qui ont présidé à la naissance et à la maturation des vraies théories scientifiques.