(Il pleuvait le jour de l’enregistrement : ça s’entend un peu !)

Nasr Eddin fait un voyage lointain. Il croit utile de s’armer d’un cimeterre et d’une lance. En chemin, il rencontre un voleur qui, muni d’un simple bâton, le dépouille. Alors que, de retour au pays, il conte ses mésaventures à ses amis, ceux-ci s’étonnent :

« Comment se fait-il qu’avec un cimeterre et une lance, tu n’aies pas pu maîtriser ton voleur qui n’avait qu’un bâton ?
— C’est le problème, répondit le Hodja, avec le cimeterre et la lance, j’avais les deux mains prises, comment vouliez-vous que je m’en sorte ? »

***

Jodorowsky, à propos de cette histoire et d’une autre, tire la leçon qu’il ne suffit pas d’avoir des connaissances, encore faut-il les utiliser ! Mais, si j’avais un pistolet face à un soldat, même armé d’une simple lame, m’en servirais-je ? Et combien d’entre nous ont toutes les compétences pour une entreprise et n’en font rien ? Cette histoire — comme tant d’autres ! — est plus profonde qu’il n’y paraît. Il ne suffit pas d’avoir la solution d’un problème pour le résoudre. Comme il ne suffit de se dire que faire du sport, arrêter de fumer, manger moins gras est ce qu’il nous faut. Mais aussi : où tout cela va-t-il me mener ? quelle personne cela va-t-il me faire devenir ?­­­­ Si j’utilise mon cimeterre et que, peut-être, je tue le voleur ? Ai-je envie de devenir un meurtrier ?

Jodorowsky, A. (2007). La sagesse des contes. Paris: Albin Michel.