Ce sont trois principes ou, disons, trois convictions qui me guident dans tous mes travaux avec des équipes, que ce soit dans mes activités de coach, d’animateur de séminaire ou bien dans mes activités associatives où je m’occupe de groupes.

Trois principes – la liste pourrait s’allonger, bien sûr – centraux pour créer du lien et faire que les groupes s’attellent sérieusement à ce qu’ils ont à faire.

En effet, le groupe n’atteint sa véritable puissance, n’entre en ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui intelligence collective, qu’à condition que des obstacles soient levés.

Or, ceux-ci sont nombreux : j’ai dit ailleurs – dans un article, mais aussi dans ma conférence « Oser le conflit » – combien la peur du groupe et des violences qu’il pourrait nous infliger (rejet, indifférence, jugement, etc.) peut nous empêcher de nous engager pleinement. Les rivalités, les différends personnels, etc.

Dans le monde professionnel, il n’est pas possible de prendre en compte les difficultés des uns et des autres, encore moins de transformer les organisations en lieux de thérapie. Nous sommes donc contraints de faire « avec ». Avec les tempéraments et les histoires des uns et des autres, avec les rivalités et les histoires interpersonnelles, avec l’état de tension du groupe.

Les trois principes qui suivent ont vocation à permettre de faire au mieux compte tenu de l’existant :

  • Le travail : faire que le groupe ait en commun des efforts et des accomplissements
  • Bas les masques : favoriser l’authenticité et le partage des difficultés des uns et des autres
  • Du vide, du rien : pour descendre en profondeur dans la relation, il importe que des temps soient ménagés.

Le travail

Personne sans doute, qui n’ait entendu que le mot « travail » vient du latin tripalium. Le tripalium, nous dit le dictionnaire, était d’abord un instrument de contrainte pour ferrer les chevaux rétifs puis a été utilisés par les romains pour punir les esclaves rebelles.

Cependant, le travailleur est celui qui travaille, pas celui qui est travaillé. Car oui, le menuisier contraint le bois, le forgeron contraint le métal, l’agriculteur contraint la terre ; et même l’éleveur contraint l’animal. Ça ne signifie pas qu’il le torture et l’usage qu’ont fait les romains de l’instrument ne doit pas envahir notre compréhension.

Travailler, c’est donc appliquer sa volonté sur le matériau travaillé. Le travailleur est sujet, non objet.

Travailler ensemble, pour un groupe, c’est donc faire œuvre de volonté commune ; puis avoir des accomplissements communs. Autrement dit une histoire commune, des efforts partagés. Ce n’est pas pour rien qu’on parle de fraternité de combat. Sans aller jusqu’à exposer les équipes à l’épreuve du feu, c’est forger – comme le forgeron ! – un esprit de corps.

Car, pour nuancer mon propos ci-dessus, travailler un matériau, quel qu’il soit, c’est se travailler soi-même. L’apprentissage, parfois long et sinueux pour les disciplines complexes ou qui requièrent un savoir-faire particulier, transforme les individus. De même, travailler ensemble, s’ajuster les uns aux autres, surmonter les obstacles, les conflits, les désaccords, est encore un chemin de transformation.

L’important est que ce chemin soit visible ; que les acteurs soient conscients, et des difficultés, et des raisons d’éventuels blocages, et de l’endroit où ils en sont sur ce chemin. Ceci afin de sortir de la confusion et d’éviter d’attribuer aux autres les raisons de son propre inconfort.

Travailler ensemble, à condition d’aller au bout de la démarche, de surmonter les obstacles, est donc un chemin de transformation vers de la fraternité, vers plus de compréhension et de solidarité.

Bas les masques !

À l’arrivée dans un groupe, chacun de nous se compose une identité et se montre sous son meilleur jour. Derrière ce désir de belle apparence, se cache bien souvent une défiance du groupe et de ce qu’il pourrait faire s’il ne nous trouvait pas à son goût.

C’est encore une fois la manifestation des peurs ancrées en nous. Le groupe est l’endroit où toutes les expériences sont possibles, surtout – croyons-nous – les pires, c’est-à-dire celles dont nous avons souffert dans notre histoire.

Le seul moyen, à ma connaissance, d’apaiser ces peurs, cette défiance voire cette méfiance, c’est de permettre à chacun de voir comment les autres ont aussi leurs vulnérabilités, leur faiblesse.

C’est un travail qu’il serait illusoire de vouloir précipiter et même qu’il faut conduire avec prudence dans le monde professionnel. Ne serait-ce que parce qu’il existe en effet la possibilité que des membres du groupe utilise les faiblesses des uns et des autres à leur profit. Il faut pourtant faire avec et aller vers plus d’authenticité, c’est-à-dire de capacité pour chacun à dire :

  • Voilà ce dont j’ai besoin et ce que je veux
  • Voilà ce qui me manque, ce que je ne sais pas faire

Nous voulons que les groupes coopèrent. Il faut donc que les besoins de coopération soient exprimés et, par conséquent, les manques des uns et des autres – que pourtant ils hésitent à manifester de peur d’être mal jugés – et leurs besoins – que pourtant ils hésitent à manifester par peur du conflit.

Cela suppose un cadre qui sécurise, fait à la fois de règles de conduite et de sanctions possibles pour ceux qui mésuseraient de la confiance qui leur est accordée.

Du vide, du rien !

Le rythme souvent effréné du monde professionnel fait qu’on se croise sans prendre le temps de se voir, de s’entendre. La représentation commune est qu’il y a tant de choses à faire qu’il faut s’y atteler au plus vite, et certainement pas se croiser les bras.

Plutôt que des généralités à ce propos, donnons un exemple concret.

Pour une discussion sur un sujet, plutôt que de se lancer directement dans la discussion à bâtons rompus, donnez 5 minutes (ou 10 ou 15) en silence pour que chaque participant réfléchisse à la situation. Il ne s’agit pas réellement de vide, ni de rien ; il s’agit cependant de s’arrêter, seul face à sa feuille blanche. Mon expérience est que c’est un moyen redoutable de gagner du temps.

C’est non seulement un moyen de gagner du temps mais, de surcroît, un moyen de gagner en profondeur. Une interaction plus rapide entre les participants vire vite à la partie de ping-pong pour ne pas dire à la discussion de café du commerce.

En cuisine, faire mijoter, laisser reposer, sont des étapes souvent indispensables de certaines recettes. Considérez qu’il en est de même en management.

Vous pouvez poursuivre votre lecture avec mon livre blanc sur l’animation de groupe, ou venir en forêt pour expérimenter ces principes, ou encore faire venir votre équipe. Ou tout simplement me contacter.