Des mots fluctuants

De plus en plus de personnes offrent leur service dans les métiers de l’accompagnement, ce dernier terme étant d’ailleurs relativement récent et s’étant imposé comme une nécessité pour couvrir tout un champ autrefois réduit, maintenant prolifique. Cette affluence provoque une diversité de pratiques et un vocabulaire de plus en plus riche, au point que les clients – et sans doute les professionnels eux-mêmes ! – peinent à s’y retrouver : coach, facilitateur, consultant, conseiller, formateur, expert, manager de transition, voire même coach de vie ou coach sportif, thérapeute, si l’on glisse dans un registre plus personnel.

À cela s’ajoute le fait que, dans un contexte d’offre foisonnante, chaque professionnel cherche à se distinguer, à prouver sa singularité en usant ainsi d’un vocabulaire original et différenciant ou supposé tel. De plus, ces professionnels ont chacun leur approche. Coaching pour l’un n’est pas la même chose que coaching pour l’autre. Des écoles différentes enseignent des pratiques différentes, avec des philosophies sous-jacentes et des fondements théoriques différents.

En résumé, beaucoup de mots avec beaucoup d’acceptions pour chacun d’eux.

Un besoin lui aussi varié

C’est une chose pour une personne de dire qu’elle veut être accompagnée ; c’en est une autre de dire comment. Prenons le mot « accompagnateur » au pied de la lettre, dans son acception de « guide » de randonnée. Vous pouvez envisager sa prestation de multiples façons. Est-ce que c’est lui ou vous qui choisissez la randonnée ? Est-ce que vous choisissez la destination en lui laissant le soin de trouver l’itinéraire adapté à la météo, à vos capacités ? Si vous êtes en groupe, voulez-vous qu’il intègre le groupe ou qu’il vous laisse discuter tranquille ? Attendez-vous au contraire qu’il vous apporte des informations, par exemple sur la flore et la faune que vous rencontrerez ? Ou bien encore, faites-vous cette randonnée dans une optique de performance sportive ou pour vous entraîner à une course future ? Attendez-vous de cet accompagnateur qu’il vous donne des conseils pratiques sur le sujet ou, tout au contraire, qu’il vous emmène dans un chalet d’alpage pour déguster une fondue ?

De même, dans le monde de l’accompagnement professionnel, les besoins sont variés et dépendant notamment de la personnalité de celui qui se fait accompagner. Autrement dit, c’est affaire de sensibilité plus que de vocabulaire.

Pas facile de s’y retrouver…

Il est d’autant plus difficile de s’y retrouver pour le client potentiel, que le vocabulaire pour décrire les différences est souvent nébuleux, avec une vraie difficulté à expliquer ce qui est finalement du ressort de la sensibilité. Presque n’importe quel coach dira « qu’il accompagne ses clients dans le respect de la personne, en développant son savoir-être tout en suspendant son jugement ». Un spécialiste de la transformation digitale aura un autre langage mais tout aussi répandu dans son domaine. Par exemple : « une relation client réinventée où le digital occupe un rôle d’accélérateur. Nous accompagnons nos clients sur de nouvelles technologies pour gagner en efficacité, améliorer leur productivité et fidéliser leurs propres clients qui attendent plus que jamais des services personnalisés et fluides. »

Ça a l’air bien mais, concrètement, on peine à comprendre de quoi il s’agit exactement et même quel est le bénéfice, comment la missions va se dérouler.

Loin de moi l’idée de jeter la pierre à mes confrères car, je peux bien me moquer d’eux, je ne sais guère faire mieux, s’il s’agit de dire des généralités sur mon métier et ma pratique. Au fond, accompagner, c’est d’abord mettre en avant le projet de nos clients : sans cela, nous sommes contraints à la banalité…

Deux axes pour sortir de la banalité…

Je propose ici une cartographie des approches dans laquelle, à titre d’illustration plus que pour enseigner une vérité, nous placerons les métiers tels que je le comprends et les envisage.

Qui est le client ?

Le premier axe porte sur le véritable client de la mission : à qui s’adresse le professionnel ? Passons sur le fait qu’il peut s’adresser à une personne, à une équipe ou à toute l’organisation et simplifions en nous basant sur une relation de personne à personne. Cependant, si mon client est monsieur Untel, je peux m’adresser à lui personnellement ou à lui en tant que, par exemple, directeur de telle entité. Autrement dit, je m’adresse à la personne ou à la fonction.

Il ne s’agit pas réellement d’une alternative exclusive mais plutôt d’un dosage : même le plus froid des consultants ne s’adresse jamais à une case d’un organigramme, en négligeant tout à fait la personne qui l’incarne ; et on ne peut pas s’adresser à une personne dans une organisation sans que sa position influe notre relation.

Contenu ou processus ?

Autrement dit, est-ce la mission s’intéresse au quoi ou au comment ? Est-ce qu’elle se déroule dans le domaine de compétence du client – ses méthodes, ses procédures, sa stratégie, ses choix, etc. – ou est-ce que la mission a pour but d’éclairer le client sur comment il s’y prend pour faire son métier. Cette échelle correspond au degré d’implication du consultant dans l’organisation. J’ai coutume de raconter l’image plaisante qui permet de faire la différence entre les mots « concerné » et « impliqué ». Cette image est celle de l’omelette au lard. Dans ce plat, la poule est concernée ; le cochon est impliqué. Cette échelle est donc peu la mesure entre la position de la poule et celle du cochon, indépendamment d’ailleurs de l’engagement de l’accompagnateur dans la mission : on peut pondre avec beaucoup de cœur !

Éclairons ces deux axes, un peu abstraits par des illustrations… Représentons sur un diagramme ces deux axes : à gauche (le vert et le bleu), la mission est plutôt centrée sur le contenu et, à droite (le rouge et le jaune), elle est centrée sur le processus.

Tandis que, en haut, on s’adresse à la fonction et, en bas, à la personne.

Formateur, consultant expert

Le formateur délivre un savoir et des connaissances ; il est donc plutôt focalisé sur le contenu (je répète qu’il s’agit de généralités, forcément susceptibles de souffrir des exceptions et des nuances).

Il s’adresse plutôt à la fonction : l’objectif en général est d’aider la personne à devenir un meilleur professionnel, c’est-à-dire de mieux remplir son rôle. Cependant, dans les formations en développement personnel, l’attention peut davantage être mis sur la personne que sur son rôle dans l’organisation.

Plus encore l’expert, qui dispose d’un savoir spécialisé et profond – autrement d’un contenu particulier. Dans la relation, son rôle est semblable à celui du formateur, vous fournir les informations dont vous avez besoin pour bénéficier de son expertise, et il s’adresse clairement à la fonction.

Coach, facilitateur

Le coach, ou certains facilitateurs ainsi qu’ils se nomment dans certaines approches, vise à la transformation de la personne. Il s’adresse donc à celle-ci, mais dans le cadre professionnel. Selon la demande, en réalité, le curseur varie entre « personne » et « fonction ». Un coaching de prise de poste s’adressera évidemment davantage à la fonction ; en revanche, un coaching pour améliorer sa confiance en soi, qui peut flirter avec les pratiques thérapeutiques (voir plus bas), s’adresse davantage à la personne. La plupart des professionnels, cependant, sont soucieux de ne pas se laisser embarquer dans des problématiques personnelles, qui n’ont pas vocation à être adressées dans le cadre d’une mission payée par l’entreprise.

Dans tous les cas, cependant, le coach au sens strict, ne délivre pas de contenu ni ne se mêle de « faire à la place » de son client, comme pourrait le faire un consultant expert qui connaît les méthodes appropriées pour effectuer telle ou telle tâche.

Conseiller

Le conseiller, dans l’acception que j’utilise, et notamment le conseiller de direction, s’adresse à la fonction. Il n’a pas vocation à transformer la personne mais seulement à servir de « sparring partner » au dirigeant afin de l’accompagner dans sa solitude.

Sa présence se justifie par le fait que toute personne, spécialement dans un environnement complexe, a des angles morts dans sa vision et que le rôle du conseiller est de faire miroir pour éclairer ces angles morts. Il n’est donc pas non plus dans le « conseil » au sens de donner des conseils. Ou alors, l’expression est à prendre au pied de la lettre : il « donne » ses conseils mais ne se fait pas payer pour cela. « Mes conseils ne sont pas fait pour être suivis », dit Thierry Masquelier, conseil de direction aguerri.

Thérapeute

À titre d’illustration, même s’il n’intervient que peu dans les entreprises, le thérapeute s’adresse clairement à la personne, sans souci réel de sa fonction. De plus, il n’émet pas d’avis sur ce que la personne peut ou doit faire, c’est-à-dire qu’il n’intervient pas sur le contenu. Il va s’intéresser d’abord à la façon dont la personne s’y prend dans sa vie : le processus

…Et un troisième

On le voit, il s’agit d’abord de vérifier ce que le client attend de son accompagnateur. Où il attend que la mission soit positionnée mais aussi quel engagement il va prendre lui-même dans la mission. Car abandonner la mission au professionnel, même pour une mission très technique et très focalisée sur le contenu, signifie prendre un risque, le risque d’avoir un résultat qui n’est pas du tout en phase avec ses attentes.

C’est pourquoi, il y a un troisième axe, au moins aussi important que les deux autres : la relation. Aucun accompagnement ne saurait se faire sans une relation de confiance. Certes la confiance dans l’expert spécialiste, par exemple, de telle technologie, n’est pas de même nature mais nous attendons tout de même de lui qu’il ne nous raconte pas des âneries, ni qu’il n’essaye de nous vendre les produits de telle ou telle firme de ses amis.

Tout accompagnement est une relation de personne à personne. Cette relation s’établit sous la responsabilité conjointe du professionnel et du client. Aucun des deux ne saurait prendre la place de l’autre.

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