La foi des petits enfants

Au fond, ce qui m’a tout de suite plus, dans ce métier, c’est le risque, dit le père Noël. La décharge d’adrénaline au moment où je fais irruption dans la maison par la cheminée : vais-je ou ne vais-je pas me faire surprendre par un enfant en cet instant de vulnérabilité? Bien sûr, ce risque est maîtrisé. Avec des millions et des millions de cadeaux à distribuer, ça me laisse peu de temps dans chaque logis, quelques fractions de secondes. Peu de chance d’être découvert ; à supposer même que je le fusse, alors la personne croira avoir rêvé. Mais tout de même, des millions de frissons en une nuit : waouh ! Le père Noël dit que ça n’a pas toujours été facile, pourtant. L’arrivée du chauffage central l’a obligé à innover, à se réinventer. Plus récemment, les inserts dans les cheminées l’ont sorti de sa zone de confort : se retrouver comme un poisson dans un bocal en plein milieu de la tournée, ça n’est pas une situation facile. Un voile de tristesse passe sur ses yeux quand il évoque le plus difficile, la tendance récente à dire aux enfants qu’il n’existe pas. Plus qu’un voile de tristesse, une sorte d’évanescence qui le fait disparaître un peu aux yeux du monde. Le père Noël se reprend : il opère depuis des siècles, dit-il, sous des noms d’emprunt changeants – celui-ci lui a été donné au XIXe siècle – il peut bien durer longtemps encore. Ce n’est pas seulement sur mon traineau que je me déplace, dit-il, c’est sur la foi des petits enfants.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Père_Noël