Voilà l’inscription gravée en lettres d’or au frontispice du musée Napoléon de l’île d’Aix.

À la mémoire de notre immortel empereur
Napoléon 1er
15 juillet 1815 !!!

Tout fut sublime en lui sa gloire, ses revers
Et son nom respecté plane sur l’univers

Excusez du peu ! Mais d’abord un peu d’histoire. L’île d’Aix fut en juillet 1815 la dernière résidence française de Napoléon Bonaparte. Il y résida après avoir envisagé de gagner les États-Unis au départ de Rochefort. Le blocus de la flotte anglaise ayant rendu ce projet impossible, l’empereur déchu prit quelques jours de réflexion sur l’île avant de se résoudre à se rendre aux anglais, en espérant leur hospitalité sur le sol britannique. Nous connaissons la suite qui se termina à Sainte-Hélène, au large des côtes africaines, dans l’Atlantique sud.

Il était accompagné du Baron Gaspard Gourgaud dont l’arrière petit fils, le bien nommé Napoléon Gourgaud, devait, bien des années plus tard, créer ce musée inauguré en 1933.

Quelque chose ici est resté tel qu’à son inauguration, depuis ce frontispice jusque dans les cartouches des tableaux et objets, tapés à la machine à écrire. J’ai ressenti de la tristesse dans cette visite. La nostalgie d’une grandeur passée m’a gagné à mon corps défendant, ainsi que l’irrépressible envie d’espérer que l’histoire ait pris un tour différent, qu’aujourd’hui encore la tragédie du ténébreux exil de Napoléon pourrait être évitée ou qu’au moins, le petit caporal aurait pu bénéficier de plus d’égards.

Ce qui a concouru à cette tristesse, ce furent sans doute ces tableaux d’amateurs représentant l’empereur, l’expression d’une ferveur dans ces portraits maladroits, les lettres, les témoignages de loyauté comme ces soldats qui ont tenté de le faire échapper de l’île d’Aix et qui, aussitôt pris, ont été taxés de « fanatiques à la solde de l’usurpateur » par les nouveaux dirigeants. Rien de nouveau sous le soleil de ce point de vue. Tous ces élans d’amour déchirés par la fin de l’épique parcours du « petit corse »

Il me vient le souvenir de ma classe de quatrième, quand notre professeur d’histoire nous avait déclaré ne pas vouloir nous enseigner plus que le minimum sur ce sanguinaire dictateur. C’est dire que, finalement, aujourd’hui encore, le souvenir de Napoléon Bonaparte ne laisse pas indifférent. Il me vient aussi la curieuse idée que le peuple français ne s’est pas tout à fait remis de la fin de l’empire, des aigles flamboyantes, des grognards victorieux, de la puissance ; qu’il y a peut-être encore aujourd’hui, soit l’attente d’un nouvel empereur, soit au contraire de la révulsion vis-à-vis de tout homme fort. Dépendance ou contre-dépendance témoignant l’une et l’autre d’un épisode qui ne s’est pas tout à fait refermé et dont les ultimes traces seraient notre emballement dans la course à la présidence de la République.

À n’en pas douter cependant, quelque chose est en train de changer. Des temps nouveaux adviennent où nous n’aurons plus besoin de héros, où toute nostalgie des grandes et sanglantes aventures va déserter la mémoire collective. Où ne planera plus le nom de Napoléon 1er.