Que nous ayons recours à un coaching ou non, nous avons tous des raisons de nous plaindre. Nos projets sont contrariés; le monde est injuste avec nous; nos efforts ne sont pas récompensés à la hauteur de ce que nous méritons. Qui plus est, nous subissons les caprices du destin, qu’il s’agisse des intempéries pour celui qui y est soumis, des accidents de la vie, de la malveillance, parfois gratuite, vis-à-vis de nous quand ce n’est pas l’irruption de la tragédie dans notre existence. Mais la plainte est, dans tous les métiers, le début de toute relation.

La plainte comme moteur

La plainte est expression d’une douleur ou d’une insatisfaction. Elle est une tentative pour chercher à l’extérieur des ressources face aux difficultés. Certes, cette tentative n’est pas toujours couronnée de succès et aboutit parfois à l’exaspération de notre entourage. Mais ceci ne doit pas occulter le mouvement inhérent à la plainte; c’est d’ailleurs elle qui, bien souvent, amène les personnes à accepter de se faire accompagner, que ce soit en coaching ou en thérapie, mais aussi finalement dans toute forme de soutien telle que la formation, le conseil…

De fait, dans mon métier, quand le client arrive, c’est d’abord une plainte que j’entends. Et, entendons-nous bien, une plainte n’est pas nécessairement un gémissement; elle peut prendre d’autres formes comme la colère, l’impuissance; elle peut être débridée ou raisonnée, manifeste ou latente. C’est d’abord une plainte et je l’accueille avec bénédiction car, sans elle, la personne ne serait pas en face de moi, n’aurait pas fait la démarche d’un coaching. Car la douleur ne suffit pas à conduire les personnes hors de leur cercle habituel. Il faut un mouvement d’expression, au sens littéral de faire sortir, et ce mouvement s’appelle la plainte.

La plainte comme frein

Il apparaît clairement de ce que j’écris ci-dessus, que la plainte est un moyen. Malheureusement, nous pouvons nous laisser bercer par notre propre plainte et risquer ainsi de nous y enfermer. Car nous faisons l’expérience, bien souvent, que la plainte nous rend intéressant. Elle attire l’attention de notre entourage, provoque la compassion, mobilise des énergies autour de nous. Certes, si nous tirons sur la corde, ces amis si bienveillants vont se lasser et nous renvoyer de moins en moins de signaux positifs.

C’est pourquoi la plainte ressemble à une drogue. C’est bien au début, puis de moins en moins bien. Et ce processus nous enferme dans un cercle vicieux.

De plus, le risque est de nous faire oublier ce qui est à l’origine de la plainte et de ne plus être mobilisé pour stopper la douleur, qui va stopper la plainte. Ce serait – et bien entendu, c’est une mécanique non consciente – ne plus être intéressant pour notre entourage au moment où, justement, l’intérêt qu’il nous porte semble décroître.

Le temps de la plainte, le temps de l’alliance

Dans un coaching, comme dans tout accompagnement, rien n’est possible sans que soit établie une confiance mutuelle entre le praticien et son client. C’est ce qu’on appelle l’alliance.

Ce propos, au fond, s’applique à tout métier de service. Un client qui va voir un plombier a une plainte (“Ma cuisine est inondée!”) et une alliance est nécessaire pour laisser entrer le plombier chez soi, peut-être lui laisser les clés et accepter son diagnostic quand il prétend qu’il va falloir changer toute la tuyauterie de votre logis. C’est pourquoi je crois que mon propos peut inspirer des métiers très différents du mien.

Pour en revenir au coaching, l’alliance se construit à deux dans le premier temps de la relation et de l’accompagnement, c’est-à-dire pendant le temps de la plainte. C’est ici qu’un peu de doigté est nécessaire: si je suis insensible à la plainte du client, soit qu’elle me paraisse futile, soit qu’elle m’exaspère ou m’impatiente (“nous en sommes au cinquième rendez-vous et il me raconte toujours la même histoire”), alors je peinerai à construire avec lui une relation de confiance et de soutien mutuel (oui, mes clients me soutiennent, plus souvent qu’ils ne le croient, mais ne leur dites pas, ils me présenteraient leur facture!). Si, d’un autre côté, je me montre empathique, je risque d’enfermer le client dans sa plainte, comme s’il se sentait plus intéressant avec ce masque de plainte que sans.

C’est pourquoi je n’ai d’autre choix que de montrer mon intérêt pour la personne plutôt que pour ce qui lui arrive. C’est ainsi qu’il fera l’expérience à la fois de trouver du soutien et à la fois d’être capable de quitter, le moment venu, la plainte.

La fin de la plainte

J’emprunte ici le titre d’un ouvrage d’un psychanalyste connu, François Roustang, qui identifie toute cure thérapeutique – toute psychanalyse dans son cas – à une sortie de la plainte que le praticien doit favoriser.

C’est, je crois, occulter le bénéfice de la plainte sans laquelle, je le redis, le client ne serait pas engagé dans un processus d’accompagnement, tel qu’un coaching ou une thérapie.

Il n’en reste pas moins qu’il est nécessaire en effet de “décoller” le client de sa plainte pour qu’on puisse envisager la fin de celle-ci.

Après quoi, il ne reste plus qu’à s’occuper du problème sous-jacent à la plainte, le véritable besoin du client, sa douleur. Nous pourrions avoir le sentiment qu’il s’agit alors de supprimer la douleur – si tant est que nous en ayons les moyens – et que la plainte cessera alors d’elle-même.

Non seulement nous avons vu que la plainte a sa vie propre et peut donc perdurer même après que la douleur a disparu mais j’affirme qu’il n’est certainement pas dans mon intention de voler sa douleur à mon client, ni de le priver de s’en occuper. Comme le dit Victor Frankl dans son ouvrage “Donner un sens à sa vie, avec la logothérapie“, notre époque ne voit pas toujours combien il peut y avoir de la noblesse à souffrir, dès lors que la souffrance est inéluctable. Nous admirons d’ailleurs souvent davantage ceux qui ont enduré des difficultés ou des souffrances avec dignité que ceux qui ont rencontré le succès.

Dès lors, la fin de la plainte coïncide le plus souvent avec la fin de l’accompagnement. Lequel a pour but de favoriser l’autonomie du client. Y compris face à ses douleurs.

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