Dans tout processus de transformation, en particulier le coaching ou toute démarche de développement, nous nous heurtons à des forces de résistance à ce changement. Comment dès lors conduire le changement sans déclencher ces mouvements antagonistes ?

Des forces à la base de l’univers

Les forces de résistance nous sont familières… Elles s’opposent aux forces qui les créent: ainsi du frottement né de la vitesse et qui ralentit un véhicule; ainsi du champ magnétique induit par un courant électrique, qui s’oppose à ce dernier. Ces forces de résistances participent d’une autorégulation qui permettent notamment aux organismes vivants de se stabiliser. Certes, cette opposition au mouvement peut aussi paraître frustrante, dès lors qu’on veut en effet initier un véritable changement. Qu’on songe néanmoins que, lorsqu’elle sont absentes, lorsqu’il y a ce qu’on appelle des “boucles de rétroaction positive”, comme c’est le cas par exemple, dans la fonte des glaces arctiques, alors les phénomènes deviennent incontrôlés.

C’est le message de l’Apprenti sorcier, ce court métrage de Disney, partie du film Fantasia, où le jeune apprenti magicien, incarné par Mickey va se voir déborder par le processus qu’il a mis lui même en branle. Il ne sait pas interrompre le charme qui lui a permis d’animer un vulgaire balai et quand il détruit ce dernier en le réduisant en mille morceaux, ces morceaux s’animent eux-mêmes, redeviennent balais et inondent le cabinet. Faute d’avoir la science de son maître, les prodiges se multiplient au point de le noyer. La mesure du maître a manqué au jeune ambitieux. Le mot maîtrise exprime d’ailleurs cette capacité à retenir et à contrôler.

Autrement dit, les forces de résistance sont des garde-fous qui empêchent le monde de partir à la dérive.

Le changement à petit pas

Cependant, il est légitime parfois de vouloir changer. Et donc d’éviter que les forces de résistance ne se déchaînent. Puisqu’en effet, contrairement à ce qui advient généralement dans la nature, les forces de résistance dans les organisations humaines peuvent se révéler très supérieures aux forces de changement qui les ont initiées, un peu à la façon d’une réaction allergique. Les résistances face aux réformes, motivées souvent par la peur, peur de perdre son statut, sa situation, sa sécurité, toute relative soit-elle, peuvent prendre des formes parfois supérieures à ce contre quoi elles se sont levées.

C’est aussi que ces forces de résistance ne se nourrissent pas exclusivement de l’énergie de ce à quoi elles s’opposent mais qu’elles ont leur propre énergie, pour servir aussi les ambitions de ceux qui les initient ou s’en saisissent pour leurs propres ambitions – toutes légitimes soient-elles.

Aussi, dans tout ce qui touche aux transformations des institutions humaines ou des personnes, devons-nous faire face à des résistances plus grandes encore que ce que nous laisserait penser les lois de la mécanique. Résistances volontaires ou parfois inconscientes qui se manifestent même quand on veut se changer soi-même!

Une des façons de procéder est d’agir à tout petits pas; c’est le “kaizen”, décrite notamment par Robert Maurer dans son livre Un petit pas peut changer votre vie: la voie du kaizen. Il s’agit au fond de laisser les forces de résistance endormies en n’effectuant que des changements si minimes qu’ils paraissent insignifiants. Par exemple, mettre une frite de côté plutôt que de manger tout le plat; se mettre sur son tapis d’exercice une minute par jour (et pas plus). L’idée est d’initier un premier changement, le plus petit possible afin que nulle résistance ne se manifeste, puis de le laisser prospérer comme croîtrait une plante. La voie du kaizen, c’est miser sur la puissance du végétal.

La piste est intéressante et fructueuse. Elle n’est pas universelle quand le chemin est trop grand et qu’il y a des forces de retour au point de départ. Pour aller sur la lune, il ne sert à rien de faire un petit pas; et en dessous d’une certaine énergie déployée, le véhicule spatial retombe tout simplement sur terre ou ne s’arrache pas à l’attraction de cette dernière.

Le meilleur moyen d’arriver quelque part, c’est de partir de là où on veut aller

Ce n’est pas parce qu’un changement est important qu’il est possible et, surtout, qu’il est possible tout de suite. Dans la plupart de mes expériences difficiles, où je n’ai pas été satisfait du résultat, voire où je n’ai pas obtenu la satisfaction du client, j’ai eu avec le recul ma part de responsabilité. Et cette part a été le plus souvent un excès d’ambition.

J’entends par excès d’ambition le fait de vouloir obtenir un résultat qui n’était pas demandé. Disons d’abord que l’inverse est courant: le client veut transformer son équipe totalement avec un atelier d’une demi-heure. Mais, au fond, ce cas de figure est plus simple puisque, en tant que professionnel, je peux m’appuyer sur la réalité pour le ramener à la mesure, ne serait-ce qu’en évoquant tous les efforts qu’il a faits auparavant sans obtenir satisfaction. Il me suffit de dire là que je ne suis pas magicien ni apprenti sorcier!

En revanche, j’ai pu me laisser embarquer dans un excès d’enthousiasme. Et lever des forces de résistances endormies jusque-là.

C’est la raison pour laquelle j’ai appris qu’il importe de s’en tenir à la demande du client. Même si “on pourrait faire mieux”; car on ne peut souvent faire mieux qu’en apparence et – pardon pour le cliché – se révèle ici la pertinence du proverbe: le mieux est l’ennemi du bien.

Dit autrement, cela revient à rejoindre le client – ou l’organisation – là où il ou elle est. Transformer une personne ou une organisation sans prendre en compte sa situation du moment, c’est couper le contact, c’est montrer une forme de violence. Ce qui fait que j’utilise pour mantra un proverbe Shadok : “Le meilleur moyen d’arriver quelque part, c’est de partir de là où on veut aller“.

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