“Ce n’est pas de ma faute!”. Autrement dit, ça n’est pas ma responsabilité. Antienne connue et maintes fois entendue. Peut-être tenons-nous ça de l’enfance, où ce mot nous venait spontanément quand on nous accusait d’une “bêtise”. Qui vient de l’enfance mais continue de prospérer, par exemple en “ouvrant le parapluie”, manière de désigner quelqu’un d’autre pour endosser la responsabilité. C’est une chose – légitime – de défendre sa cause, c’en est une autre de se transformer en victime innocente parce que, si ça n’est pas ma faute, notamment ce qui m’arrive, alors je ne peux rien y faire et je suis condamné à le subir sans rien pouvoir y changer.

Mais la chose pourrait venir de plus loin: Irvin Yalom fait de la liberté l’une des quatre composantes de l’angoisse existentielle. Sartre disait que nous n’avons pas le choix de ne pas avoir le choix: comme chaque choix – que nous sommes toujours libres de faire, au moins dans une certaine mesure – est notre responsabilité, alors nous sommes responsables des conséquences. Nous sommes d’ailleurs familiers avec cette petite voix intérieure qui nous dit: “si j’avais fait ceci ou cela, si j’avais décidé ceci ou cela…”

Bref, la liberté – et le revers de la médaille qui est la responsabilité – nous écrase. Il est donc compréhensible que nous cherchions à minimiser cette pression, à ne pas laisser notre environnement en rajouter et, par conséquent, à rejeter la responsabilité qui pourrait nous incomber.

“Ce que nous faisons de ce qu’on a fait de nous”

Nous ne sommes cependant pas toujours à même de le faire avec discernement, voire avec mesure. C’est une chose de ne pas être totalement responsable de ce qui nous arrive mais c’en est une autre de dire que nous ne le sommes pas du tout. Et encore serions-nous totalement étranger à un événement qui nous affecte, nous ne le sommes pas des conséquences. Sartre, encore, disait: “L’important n’est pas ce qu’on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-même de ce qu’on a fait de nous.” Manière de dire que nous avons une responsabilité dans notre réaction aux événements de notre vie. Coluche avait une façon plus plaisante de dire la même chose: “Vous n’êtes pas responsable de la gueule que vous avez, mais vous êtes responsable de la gueule que vous faites.

Au temps de l’affaire du sang contaminé, l’ancienne ministre des affaires sociale, Georgina Dufoix, avait déclaré – en résumé – qu’elle se sentait responsable mais pas coupable. La formule avait fait scandale; elle mérite cependant d’être réhabilitée car il y a en effet une différence de nature entre les deux mots. Car le sentiment de culpabilité est encore un obstacle à la prise de responsabilité. Et ce n’est pas la même chose d’assumer les conséquences d’une situation et d’être, par intention ou par négligence, à l’origine de cette situation, de l’avoir provoquée.

Y aller doucement

Tout praticien le sait, il n’y a pas de mise en mouvement, quelle que soit la situation, sans une capacité de la personne à endosser la responsabilité de changer la situation et, même de façon minuscule, à endosser la responsabilité de la situation telle qu’elle est. Le sentiment de honte ou de culpabilité y fait en général obstacle.

C’est pourquoi la démarche, dans le cadre d’un accompagnement professionnel ou privé, consiste à aller doucement dans ce sens. Par exemple en proposant à la personne de quantifier sa part de responsabilité dans la situation: Dix pour cent? Cinq ou même un pour cent? Cette part, si minime soit-elle, est la “poignée” dont peut se saisir la personne pour actionner le monde.

Ou encore, pouvons-nous faire l’inventaire des bénéfices que procure la situation à la personne. Proposition qui paraît souvent incongrue: “comment pourrions-nous tirer des bénéfices d’une situation qui nous est défavorable?” C’est encore une affaire de nuances plutôt que de tout l’un ou tout l’autre. Se poser la question de “à quoi dois-je renoncer pour me sortir de cette situation”.

C’est bien souvent dans ce type de réflexion qu’un accompagnant est le plus utile puisqu’il s’agit bien de sortir de nos zones aveugles ou d’éclairer notre part obscure qui ne veut pas toujours notre bien, à la façon dont, consciemment, nous l’imaginons. Processus dans lequel un regard bienveillant et curieux de vous s’avère précieux.

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