Pendant une retraite à l’abbaye de Solesmes, j’ai rencontré l’un des pères. Les circonstances m’inclinent à publier ce portrait de façon anonyme.
Embrasser, Solesmes, ta foi
À Solesmes depuis près de quarante ans, aujourd’hui Père hôtelier, A. est américain d’origine (*). Il a découvert l’abbaye à l’occasion d’une retraite, alors qu’il avait vingt ans. C’est là que s’est noué son engagement qui l’a fait revenir à Solesmes pour ne plus la quitter. Pourquoi la France ? Il répond qu’il a suivi, sans la connaître, une tradition qui invite à se retirer du monde dans un pays qu’on ne connaît pas, comme pour rendre la coupure plus nette et forte. Je n’aurais pas pu le faire en Amérique, ajoute-t-il. Et puis, Solesmes est spéciale… Pourquoi spéciale ? Spéciale et unique, répond-il, comme sans doute d’autres monastères le sont, mais spéciale à sa façon, avec son propre caractère. Peut-être parce que Solesmes a choisi la voie du milieu avec le temps, fidèle aux traditions, ouverte à la modernité, la faisant critiquer parfois de part et d’autre ; plaisant néanmoins au plus grand nombre. Il dit, au cours de l’entretien : « je suis croyant », avec beaucoup de simplicité ; puis, en souriant, qu’il faut cultiver la vertu et que la vertu rend heureux. Dieu nous aide constamment et sans doute Dieu a-t-il guidé ses pas ici. À la question « comment ne pas faire obstacle à l’aide de Dieu ? », il cite Saint-Augustin qui, dans la difficulté d’observer la règle de chasteté au début de son engagement avait conçu une prière : « Seigneur, donnez-moi la chasteté, mais pas tout de suite ! » A.. rit et dit aussi que la prière est une porte ouverte ; une voie difficile et facile en même temps, facile comme d’appeler un ami pour lui dire qu’on l’aime ; comme de demander un peu d’argent à un oncle riche, un oncle d’Amérique bien sûr. A. aime ce « haut lieu de prière », aime Solesmes comme seuls l’aiment ceux qui prient, ceux qui ouvrent les portes de leur cœur.
https://www.abbayedesolesmes.fr/
(*) L’initiale a été changée
A explorer également la conversion du peintre Alfred Manessier qui accompagnait un ami à la Grande Trappe de Soligny (Orne): “Et je n’ai vraiment pas compris, encore, ce qui m’est arrivé. Après trois jours et trois nuits, je suis sorti avec la foi. Conversion également de sa pratique picturale du figuratif au non-figuratif. Troublant et vivifiant !