« Ça ne me suffit pas de planter des graines », me répond Fabrice Midal. Il vient de me confier que ses interventions en entreprise sont souvent décevantes.

Certes le public est enthousiaste et la salle bondée mais, faute d’un enseignement dans la durée, faute de pouvoir mesurer en quoi son enseignement de la méditation peut changer favorablement la situation de l’entreprise, alors c’est peine perdue. Le public a passé un bon moment. Mais faire passer un bon moment ou, comme je lui suggère, planter une graine dans l’esprit de ses auditeurs pour que demain, peut-être, quelque chose bouge, ça ne lui suffit pas. Pire, il peut avoir le sentiment d’être à cette occasion un alibi, sur la base du malentendu qui entoure la méditation, souvent vue comme une pratique permettant de « gérer » son stress, d’être « zen ». Toutes choses dont il a horreur. Car Fabrice Midal a une ambition, ou plutôt une quête : trouver une réponse au cynisme qui envahit le monde et face auquel ne s’oppose aujourd’hui que la naïveté, voire la niaiserie. Une opposition bien fragile qui permet au cynisme de prospérer. Le grand tabou de notre société n’est pas le sexe, dit-il, c’est l’amour. Non le bon sentiment décrit dans les films d’Hollywood, mais cette aspiration à la grandeur, à la beauté, à l’héroïsme, souvent moquée aujourd’hui. La question est donc : comment retrouver un sens de l’aventure ?

Ce docteur en philosophie cherche, à l’aide de cette discipline, à comprendre le monde et la source réelle de nos aliénations. Il trouve la parole de Nietzsche, par exemple, plus éclairante que les journaux qui ne nous informent pas, ajoute-t-il, sur la réalité de ce qu’il se passe dans le monde. Non parce qu’ils mentent mais parce qu’ils s’en tiennent aux apparences. Alors que le nihilisme de Nietzche, décrit comme «un manque de dignité des occidentaux vis-à-vis d’eux-mêmes», parle de nous en profondeur.

C’est donc dans ce combat, dans cette quête, que Fabrice Midal a rencontré la méditation [1]. Un vrai départ pour l’aventure. Une pratique qui ne nécessite aucun ordre, aucune croyance, seulement du courage. Une pratique qui nous permet de revenir à des ressources que nous avons en nous et d’apprendre à sortir du piège des injonctions à en faire plus. Plus ou mieux ou plus vite. Ça a été, dit-il, un moment pivot pour moi, «se foutre la paix », titre de son dernier ouvrage. Un livre dont les chapitres sont : « Cessez d’obéir, cessez d’être calme, cessez de vouloir être parfait, etc. ».

Tout cela au service d’une cause, partout dans le monde, y compris dans les entreprises. Non pas seulement planter des graines, mais faire croître l’arbre et voir pousser les fruits. Les fruits d’une méditation qui ne recherche pas le calme mais la vie ; qui ne soit pas l’instrument d’une pure productivité mais au cœur d’un engagement décisif pour notre avenir et celui de nos entreprises ; d’une pratique qui réhumanise notre monde – ce qui se conjugue avec« mettre l’économie au service de l’homme ».

La méditation, Fabrice Midal en a la conviction, n’est pas pourvoyeuse d’un bien-être anesthésiant ; elle est la source de la confiance et un chemin vers la vraie vie et un vrai destin.

Elle est, telle l’amour, une aventure.

[1] Rencontre racontée dans «Frappe le ciel, écoute le bruit».

Article publié sur le site dirigeant.fr