Voir la formation Oser le conflit

Certaines équipes vont bien, travaillent dans une bonne ambiance ; certaines autres vivent des tensions, sont emmêlées dans des conflits de personnes. Difficile pourtant de dire si la bonne ou la mauvaise entente est un signe d’efficacité ou non pour l’entreprise et si c’est un critère pour savoir si l’équipe travaille pour l’intérêt général.

Certes, les conflits peuvent détourner les personnes de leur mission ; nous savons que la mauvaise humeur est peu propice à la créativité, à la collaboration et même à la concentration. Pour autant la bonne ambiance au travail est chose si précieuse, pour les collaborateurs comme pour les dirigeants, qu’il peut être difficile d’exprimer des désaccords puissants et de se risquer à provoquer un conflit. Dès lors, la recherche de la plus grande harmonie possible peut conduire à éviter à tout prix le débat, la confrontation, la controverse, menant ainsi l’organisation vers des solutions faibles et faciles, voire une dangereuse et confortable anesthésie.

Bref, c’est encore une histoire de polarités : ni trop, ni trop peu ou comment naviguer entre deux pôles – pour caricaturer le pôle des gentils et le pôle des méchants – qui, l’un et l’autre, empêchent le sain combat des idées.

Ne nous y trompons pas, tout combat a ses bassesses. Il ne s’agit pas de vivre dans un monde éthéré où la vérité, sitôt dévoilée, s’impose à tous en leur faisant ployer le genou. Le combat des idées est, certes, un combat, sinon pour la vérité, du moins pour la justesse de vue, pour la plus grande pertinence, mais aussi un combat pour faire valoir ces qualités auprès de son auditoire, de ses collègues, de ses collaborateurs. Ce que Schopenhauer, dans « L’Art d’avoir toujours raison » appelle la dialectique éristique, c’est-à-dire l’art de la controverse qu’on utilise pour avoir raison. [1]

J’entends souvent critiquer ceux qui « veulent toujours avoir raison », parce que ce serait de la mauvaise foi. S’il s’agit d’empêcher de camper sur des positions et de bousculer des pensées arrêtées, alors je suis d’accord. Mais je ne le suis plus s’il s’agit, par paresse, par confort ou conformisme, d’empêcher la controverse.

Ce qu’il importe, pour que le combat ne vire pas au carnage, c’est, comme en sport avec la boxe, qu’il se déroule sur un ring. Autrement dit dans un cadre donné, avec des règles et un arbitre pour les faire appliquer. Des règles qui impliquent de ne pas frapper l’adversaire n’importe où, n’importe comment.

Comme en sport, je pense que les entreprises doivent favoriser la confrontation. Non seulement imposer des règles avec des techniques pour éviter les blessures – par exemple favoriser l’utilisation de la communication non violente – mais aussi organiser des combats, c’est-à-dire organiser des temps où les personnes puissent dire et s’entendre dire.

Par exemple des réunions de « régulation » spécifiquement dédiées à l’expression des griefs, mais aussi des remerciements ou des messages de gratitude, dans un cadre arbitré et sécurisé, avec les techniques appropriées (notamment la communication non violente). Un temps consacré aux équipes pour éviter la dérive des tensions grandissantes ou celle, plus insidieuse, de l’évitement des difficultés. Les deux conduisant potentiellement soit à une violence grandissante, soit à la perte de compétitivité.

[1] Schopenhaueur, L’Art d’avoir toujours raison, Mille Et Une Nuits 1998

Retour sur la page centrale sur le conflit