Cette photo nous est familière. D’autant plus familière que, pendant des années, elle a été la seule photo de la Terre prise dans son ensemble. Son nom est « Blue marble » – la bille bleue – et elle a été prise par l’équipage d’Apollo 17, le 7 décembre 1972. Il a fallu, pour prendre ce cliché, que leur vaisseau soit situé exactement entre la terre et le soleil afin qu’aucune ombre ne vienne oblitérer une partie de la planète. D’autres photos ont vu le jour depuis, composées à partir de différents clichés pour obtenir cette même vue d’ensemble, mais celle-ci est unique et l’est restée jusqu’à une époque récente [1]. Aucune autre mission ne s’est en effet jamais trouvé dans les mêmes circonstances pour obtenir cette vision globale.

La singularité de cette prise de vue fait écho à la singularité de la situation des astronautes, ceux qui ont pris la photo et tous ceux qui ont séjourné dans l’espace et qui ont ainsi eu l’occasion d’observer notre monde dans son ensemble. Il semble que cette expérience ait eu sur nombre d’entre eux un effet considérable au point qu’on a donné un nom à cela : overview effect – effet de vue d’ensemble. Concrètement, les astronautes concernés ont été impactés par la fragilité de la planète bleue perdue au milieu de l’espace, protégée du vide intersidéral par la couche ténue de l’atmosphère, comme un organisme vivant qu’il était urgent et impératif de protéger, dont il fallait prendre un soin immense. Certains pensent que cette prise de conscience des quelques hommes qui ont eu le privilège de vivre cette expérience, a eu un effet majeur sur la pensée écologique, voire sur la naissance de certaines hypothèses, telles l’hypothèse Gaïa qui considère la terre dans son ensemble comme un gigantesque organisme.

Ce que nous apprend cette histoire – que, vraisemblablement, nous ne pourrons jamais vivre nous-mêmes –, c’est que certaine façon de regarder un monde qui nous est familier peut changer notre attitude. Ce n’est plus ici la maxime « change ton regard sur le monde et le monde changera » mais une autre qu’on pourrait lui substituer : « change ton regard sur le monde et tu changeras ». Ce à quoi on peut évidemment ajouter, si tu changes, le monde changera.

Ainsi pouvons-nous ici formuler une invitation, non à s’envoler dans une fusée spatiale, mais à simplement regarder notre monde familier de loin. Dans sa famille, laisser son conjoint, laisser ses enfants s’éloigner de nous, par exemple sur une plage déserte et les regarder, fragiles et petits devant l’immensité de l’océan ; dans le monde professionnel, trouver un moyen de nous éloigner de nos collaborateurs, de nos collègues et de les regarder de loin. Si cela est possible, trouver simplement un endroit pour regarder les locaux de notre entreprise de loin, de haut… Ce qui n’est jamais que répondre à cette autre invitation de « prendre du recul », « prendre de la hauteur », d’une façon simplement concrète, j’allais dire au pied de la lettre. Si nous prenons le temps du ressenti et de l’émergence à cette occasion, nul ne sait ce qui peut en sortir : l’envie de prendre davantage soin, comme il advint aux astronautes ; l’envie peut-être de prendre un virage, de changer quelque chose dans notre trajectoire. Car, dans les espaces infinis, tout est possible.

[1] Cette histoire est notamment racontée par Jean-Pierre Goux dans un TEDx visible sur son site https://blueturn.earth/, où il présente également son projet de faire vivre l’overview effect à un maximum de personnes. Il raconte également le programme de la NASA qui permet désormais d’avoir de nombreuses images telles que Blue marble, une saga où même la politique américaine s’en est mêlée.

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